dimanche 31 mai 2009

Compte rendu de la rencontre avec le Dr Guyader

Vous avez été nombreux à participer aux deux derniers Café Psycho. Le succès de ces rencontres à encourager l’équipe du Café Psycho et des enseignants à créer de nouveaux événements. Suite à l’initiative de Mme Arbisio qui nous a fait entrer en contact avec le Dr. Guyader (Psychiatre, Psychanalyste et chef de projet), nous avons décidé de créer un nouvel espace de pensée qui s’est déroulé, à titre exceptionnel, en amphi 3.

Le 02 Décembre 2008, le Président de la République a fait un discours concernant une réforme de l'hospitalisation en psychiatrie. Ce discours s'est tenu au lendemain d'un drame qui impliquait un patient atteint d'une maladie mentale et Mr Sarkozy a désigné de tels patients comme dangereux. Il souhaite voir ces gens vulnérables assignés à des lieux de réclusion.

Suite à ce discours, Mr Guyader a envoyé une lettre au Président de la République pour lui faire part de son mécontentement. Vous pouvez la consulter à cette adresse.

Ces événements sont la base de la rencontre qui a eu lieu le 9 Avril 2009. En voici un compte rendu:



Le Dr Guyader a commencé par un historique des luttes et des réformes ayant conduit à la pratique de la psychiatrie telle que nous la connaissons aujourd'hui. Les idées de PINEL, reprises par ESQUIROL ont menées à la réglementation psychiatrique de 1838 qui a permis de soigner les aliénés alors qu’ils étaient attachés et confondus avec le criminel.

A cette époque, l’hôpital tient une fonction d’asile qui perdurera jusqu’à ce que, dans un mouvement commun avec le front populaire, naquirent dans les années 50 les désaliénistes (tels que LE GUILLANT, BONNAFE, TOSQUELLES…) qui ont détruit la psychiatrie et construit sur ces ruines une nouvelle pratique. Dans cet intervalle, la guerre a pris place. Il y eut 45 000 morts en hôpital psychiatrique: morts de faim, de froid, etc… ce nombre effrayant nous amène à poser une question : est-ce que tout ces morts sont à comptabiliser dans la politique de Vichy dans un « préserver ceux qui en vaillent la peine » ?

Cependant, à côté de cela, dans certains hôpitaux, comme à Saint-Alban avec TOSQUELLES, la volonté de rester humain était encore privilégiée et le travail continuait.

De PINEL à TOSQUELLES, le « penser le soin » a fait naître, dans les années 60, la psychothérapie institutionnelle. De part l’écoute sinon l’éthique des pratiques qu’elle permet, le nombre d’hospitalisation et de passage à l’acte a diminué. Ceux qui prêteraient cela aux neuroleptiques, arrivés en 1952 sont, selon le Dr GUYADER, à qualifier d’escrocs. En effet, ce qui est significatif et qui permet de voir ces nombres diminuer ne sont pas ces médicaments mais plutôt l'attention que les soignants portent à leurs patients. Cette écoute et cette attention sont primordiales dans l'amélioration de l'état de ces malades. Dans cette mouvance - encore actuelle malgré l’intention de la faire taire par le biais de réformes « sécuritaires » de la part du gouvernement - citons Guy BAILLON qui veut remplacer la fonction asilaire de l’hôpital par la fonction d’accueil qu’il nous invite à penser - notion qui ne peut être applicable avec les réformes actuelles, si ce n’est par la résistance.

En effet, « Tout le monde sait, sauf ceux qui ne veulent pas l’entendre que les patients sont vulnérables, en danger dans leur corps social »: ils ont besoin d’une disponibilité d’esprit, de cœur et d’accompagnement, sinon leur sort est difficile. Le nombre de lit importe moins que les moyens qualitatifs. « Il n’est pas question de faire de la psychiatrie à la petite semaine ! » : faire un entretien tout les jours peut être très important pour un grand psychotique. Plus on s’occupe d’eux, moins on n’a besoin de leur prescrire des médicaments. Il nous faut entendre ce qu’ils disent : par exemple, en développant de grave maladie, c’est la question de besoin de maternage que nous pouvons peut-être nous poser.

A l'heure actuelle et avec les réformes proposées, il y a une tentative d’éradication de la psychanalyse à l’université et en France ainsi qu'une attaque de la psychopathologie en milieu psychiatrique. Il y a une sorte de volonté de penser l’autre comme simple et pouvant être compris par un ordinateur: c'est une suppression de la complexité qui fait l’homme, et plus précisément du sujet lui même. Les réformes limitent l’entrée/sortie des patients, elles mènent à enfermer une personne selon sa potentielle dangerosité. Les patients sont considérés comme atteints d’une infection biologique et dangereuse, non pas comme un être de vie. C’est pourquoi il nous faut résister et ne pas céder.

Nous avons la capacité de lutter en résistant, en n’appliquant pas ces mesures prises autant qu’il nous est possible. Il nous faut résister là où il y a de la vie malgré ce soin que l’on norme en amenant l’hôpital à être géré comme une entreprise. Nous en revenons à cette marchandisation de l’humain que nous refusons également par le mouvement universitaire actuel.

Nous avons ce devoir de ne pas quitter ce qu’est notre pratique. Le soin doit être là où surgit la souffrance. Le soin, c’est de permettre au patient de récupérer une capacité de vie avec le moins de souffrance ; et le discours qui circule, selon nous, va empêcher cela. Le soin c’est aussi privilégier le lien sur le lieu avec un engagement de l’équipe psychiatrique, le soin c’est « être-là » pour le patient.

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