jeudi 25 mars 2010

Informations complémentaires sur l'expérience de Ron Jones

Le film La Vague est inspiré de la Troisième Vague, étude expérimentale du fascisme, menée par le professeur d’histoire Ron Jones avec des élèves de première du lycée Cubberley à Palo Alto pendant la première semaine d’avril 1967. Cette expérience pédagogique avait pour but de faire comprendre les mécanismes du "suivisme", tel qu'il a pu être vécu par les Jeunesses Hitlériennes lors du IIIème Reich.

N’arrivant pas à expliquer à ses élèves comment les citoyens allemands avaient pu, sans réagir, laisser le parti nazi procéder au génocide de populations entières, Ron Jones décida d’organiser une mise en situation. Il fonda un mouvement nommé « La Troisième Vague », dont l’idéologie vantait les mérites de la discipline et de l’esprit de corps, et qui visait à la destruction de la démocratie, considérée comme un mauvais régime en raison de l’accent qu’elle place sur l’individu plutôt que sur la communauté.


Chronologie de l’expérience selon Jones

  • Lundi : Jones donne une allocution sur la discipline. Il passe ensuite aux travaux pratiques et indique une position assise susceptible de faciliter la concentration et la volonté. Les élèves doivent se lever, commencer leur réponse par « Monsieur Jones » et répondre en quelques mots seulement.
  • Mardi : la devise du mouvement : « La force par la discipline, la force par la communauté ». Jones analyse l’idée de communauté qu’il définit comme le lien unissant différentes personnes tournées vers un but commun. Ron Jones ordonne ensuite aux élèves de réciter la devise du mouvement et leur enseigne un salut. Il décide de nommer le mouvement « La Troisième Vague », expliquant aux élèves que c'est à la fois parce que la main lors du salut ressemble à une vague sur le point de déferler, et parce que, conformément à une croyance populaire, les vagues de l’océan avanceraient par groupes de trois, la troisième étant la plus forte. Il omet de mentionner aux élèves la référence la plus importante, qui est bien sûr la référence au Troisième Reich.
  • Mercredi : Il distribue des cartes de membre aux élèves participant au mouvement. Ron Jones donne une allocution sur l’action, entendue comme but vers lequel tendent la discipline et la communauté, et sans lequel elles perdent tout leur sens. Plusieurs élèves lui expriment leur satisfaction et leur joie de participer à la « Troisième Vague ». Les élèves semblent perdre leurs aptitudes à argumenter et à nuancer. Jones constate que la « Troisième Vague » prend des proportions inquiétantes (dénonciation à tout va, menaces envers ceux qui sont contre le mouvement, investissement excessif).
  • Jeudi : L’expérience perturbe la vie du lycée de manière manifeste (quatre vingts élèves au lieu de trente ; certains sèchent les cours pour assister à ceux de Jones…). Inquiet de l’ampleur et de la tournure que prennent les événements, sentant l’expérience lui échapper, incertain de ses propres motivations pour poursuivre, Ron Jones décide d’en finir. Après une allocution sur la fierté, il annonce que la « Troisième Vague » n’est pas seulement une mise en situation au sein du lycée, mais bel et bien un projet d’ampleur nationale destiné à modifier en profondeur la vie sociale des États-Unis. Il prétend que d’autres enseignants ont, comme lui, fondé des « Troisièmes Vagues » partout dans le pays et que, le lendemain, à midi exactement, le leader national du mouvement s’adressera aux jeunesses de la Troisième Vague. Il s’appuie sur la volonté des membres pour organiser en vingt-quatre heures une réunion exemplaire.
  • Vendredi : conférence au lycée. Deux cents étudiants assistent à la réunion. À midi, les portes sont closes et des gardes postés de faction. Ron Jones montre à ses amis l’obéissance aveugle des jeunes présents : il les fait saluer et leur fait réciter la devise du mouvement. À midi cinq, Ron Jones fait éteindre les lumières et allumer des écrans de télévision, annonçant le discours du leader national. Après quelques minutes de silence attentif devant les postes ne montrant que de la « neige », les élèves finissent par s’apercevoir de la supercherie. Coupant court à leur stupeur, Ron Jones procède à un « débriefing » : il explique comment il les a manipulés et dans quelle mesure ils se sont laissés manipuler. Il leur montre à quel point il est facile de verser dans le totalitarisme. Il clôt l’expérience.

Le malaise qui prédominait à la fin du dernier cours ainsi que la peur a conduit à conserver une grande pudeur sur l’expérience. Les sources fiables sur l’expérience sont donc rares. Aussi, réunir des informations fiables sur le déroulement réel des événements semble aujourd’hui très difficile. Sans l’accuser de déformation volontaire, force est de reconnaître que les nombreuses divergences entre les sources rendent hasardeux tout examen impartial de l’expérience. D’un point de vue sociologique, le fait que le public semble prêt à accorder crédit à la « Troisième Vague » telle qu’elle est relatée dans les adaptations artistiques pourrait en lui-même provoquer un questionnement et constituer un objet d’étude.

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