lundi 1 juin 2009

Compte rendu du Café Psycho sur la désobéissance

Café psycho du 6 Mai 2009

La désobéissance

Patricia Tutoy

Bonjour à tous,

Voici un compte rendu du Café Psycho du mercredi 6 Mai. Malgré le changement de salle et une journée différente de d’habitude, nous avons été heureux de voir une cinquantaine de personnes présentes. Ce Café Psycho fut le lieu de nombreuses interventions et interactions. Voilà de quoi vous replonger dans nos discussions et quelques pistes de lectures pour vos recherches personnelles !

I : Projection d’un extrait du film I comme Icare, 1979

La rencontre a commencé par la projection d’un extrait du film I comme Icare, réalisé en 1979 par Henri Verneuil. Inspiré par l’assassinat de John F. Kennedy, il s’agit d’une enquête policière concernant l’accusation d’un homme supposé responsable de ce meurtre. Lors de ses recherches, le procureur se rend dans une université pour rencontrer un professeur qui avait fait passer un test à l’accusé. Il s’agit de la reproduction de l’expérience de Milgram.

Vous pouvez visionner ces séquences sur internet :

II. La discussion

Difficile de rester indifférent devant de telles images. La plupart des participants ont été interpellés par ce film, qu’ils visionnent pour la première fois ou non.

Des questions se posent et des liens se font :


  • Par quel processus en vient-il à ne plus penser ? (ne pas déplaire au père ? Pour faire plaisir à quelqu’un ? )
  • Pourquoi obéit-il ?
  • Pourquoi et comment désobéir ?
  • Quels exemples dans le passé ?
  • Et nous ? Que ferions-nous ??!
  • Quel lien avec la situation actuelle ?

Qu’est ce qui le fait obéir dans cette expérience?

  • Le symbole de la blouse blanche à qui l’on confère le symbole du savoir
  • Le cadre de l’université
  • L’adhésion au sujet de l’expérience auquel il a accepté de participer. Nous pourrions reprendre le terme utilisé par Robert Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois dans Le petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens : Le « pied dans la porte ». Cette notion décrit le fait d’accepter une demande coûteuse, si au préalable on en a accepté une première, peu coûteuse. L’argent n’a rien à voir. Il s’agit d’auto manipulation. Le sujet croit s’être engagé dans un acte librement (… faux choix entre avoir la position du puni et du punisseur)
  • et c’est plus difficile pour lui de faire marche arrière ; en effet, en arrêtant l’expérience aussi loin, il admet implicitement qu’il a eu tort d’être allé jusque là ….
  • Enfin, il se démet de sa pensée et délègue le questionnement à l’autorité. En obéissant à l’autorité, il se désengage de toute responsabilité personnelle ; cela lui permet alors d’éviter le tiraillement entre sa culpabilité face à la souffrance de l’autre et son obligation de continuer.

Pourquoi obéir, en général ?

Nous pouvons déjà penser, en référence à ce qu’écrivait Freud dans Totem et tabou, qu’il y aurait un meurtrier en chacun de nous. Cette expérience réveillerait peut être en la personne la jouissance de faire souffrir.

Il y a des avantages :
  • La sur conformité du moi.
  • Les Avantages sociaux, car la société nous pousse à obéir, et n’hésite pas à acheter notre obéissance et notre soumission en nous offrant une place sociale juteuse. Cela nous amène donc aux notions de pouvoir et de place dans la société.

Il y a donc plus d’avantages à obéir qu’à désobéir !

Et pour reprendre ce que disait LACAN en 1968: « Ce qu’il vous manque c’est un maître » ; l’être humain à l’origine est fait pour obéir.

Parler d’obéissance nous a donc conduits à parler de leader. Nous nous sommes interrogés sur la légitimité des actes du leader et avons soulevé des questions comme : comment agit la pression du groupe face à des actes de manipulation de ce même leader ?

Cette pression déresponsabilise les individus. Une vidéo, « dossier de l’Ecran » illustre cela en présentant un ancien nazi se rendant 10 ans après sur les lieux de son exaction. Alors que la première fois son comportement n’était que violence, il adopte en ce deuxième temps un comportement humain. Il ne s’agit pas d’une prise de conscience, mais d’une situation différente. Lors de ses actes, la pression groupale était telle qu’elle déresponsabilisait son comportement.

Pour aller plus loin nous pourrions également nous intéresser à la notion de la Foule de LE BON qui développe notamment l’importance de la figure du chef. Chacun des participants déposeraient son idéal du moi en lui. Cette identification faciliterait une plus grande manipulation et plus d’obéissance.

De plus, nous obéissons d’autant plus lorsque les ordres sont suffisamment bien donnés. En effet, lorsque les tâches sont dispersées, que les responsabilités sont finement délayées, tout à chacun pense réaliser sagement et indépendamment son travail.

Lors de la Shoah comme dans tout génocide, le travail était réparti de telle sorte que chaque personne était un maillon de la chaîne, sans forcément sans apercevoir.

Nous en venons alors à une question clé :

Pourquoi et quand désobéir ?

« Nul n’est tenu d’obéir à un ordre qui porte atteinte à la dignité de l’homme. »

Raoul Vaneigem, Ecrivain, philosophe

Serait ce en fonction de :

  • L’échelle de valeur ?
  • L’empathie ?

Il est plus facile de s’opposer à quelqu’un, à quelque chose de concret, qu’à un système. La désobéissance est possible lorsque l’autorité est défaillante et qu’il est possible de s’y attaquer.

Le contact physique

Il apparaît lors de l’expérience, que le contact physique diminue les chances d’obéissance. Lors de la Shoah par exemple, cela avait été pris en compte. Il y avait très peu de contacts. Les tâches étaient réparties de telle sorte que les bourreaux faisant entrer les personnes dans les chambres à gaz n’étaient pas les mêmes qui étaient en charge de sortir les corps par la suite. Toute humanité était niée et diminuait les affects.

Et la situation aujourd’hui ?

« There is no alternative ». On pense qu’on n’a pas le choix. On se dit qu’on ne peut pas contester. On a peur de tout.

Les gens sont de moins en moins choqués par les images chocs. La désobéissance est stigmatisée. Les désobéissants sont exclus et les propos sont détournés par les médias.

Comment responsabiliser nos enfants ? Quelle éducation leur donner pour qu’ils n’obéissent pas à tout ordre ?

On ne peut pas échapper à l’influence. La seule solution est de multiplier les influences.

Mais la question des limites est importante: celles-ci sont à penser au terme d’autorité et non d’autoritarisme. On peut poser dans limite et laisser les moyens à l’autre de réfléchir par lui-même et de critiquer. L’autorité est plus dangereuse quand elle n’est pas portée par une institution, qu’il n’y a pas de cadre.

Des pistes et des liens si vous souhaitez approfondir ces questions :

Sur la Notion du mal : La banalité du mal

Voir Anna ARENDT et le procès d’Adoff EICHMANN, notamment Eichmann à Jérusalem

OU encore le film de Rony BRAUMAN: Un spécialiste toujours sur ce SS, responsable de la logistique de la solution finale.

Ou dans l’histoire du Danemark : La désobéissance par rapport au port de l’étoile juif.

Sine hebdo du mercredi 6 Mai sur le devoir de solidarité.

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